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Autisme et anonymat : Les raisons d’assumer son choix

Shoshin est une femme autiste, membre fondatrice du GRAAF ; elle nous explique dans ce témoignage sa décision concernant l’anonymat de son propre autisme.

La question du TSA et de l’anonymat : les raisons d’assumer son choix

Quelles sont les raisons de ne pas assumer cette différence à l’heure même où l’affirmation de l’identité autistique se dégage pourtant de plus en plus d’un long passé de stigmatisation ? Plusieurs explications peuvent être apportées en fonction du parcours, des histoires individuelles et des expériences humaines vécues par chacun.

Lorsque l’on part à la quête d’une connaissance profonde de soi, c’est généralement que l’on a atteint des limites et un point de non-retour dans la capacité d’adaptation et de relation avec ceux qui nous entoure. En obtenant des réponses, un horizon s’ouvre sur un potentiel de compréhension plus large sur soi-même mais aussi sur son entourage. Parfois ce que l’on prenait pour des particularités personnelles, une originalité ou une obstination caractéristique apparaissent sous les traits nouveaux d’un fonctionnement propre au spectre. On peut se pardonner, de même que l’on peut regarder le fonctionnement des autres sous un nouveau regard avec d’autant plus de recul. En soi, c’est une grande chance d’ouverture à davantage d’indulgence et cela représente tout un cheminement d’acceptation, que ce soit pour nous même ou pour les autres.

Je citerai pour autant deux raisons principales qui sont actuellement à l’origine de mon choix concernant l’anonymat. Ces raisons spécifiques, je l’espère, ne vaudront qu’un temps et aboutiront finalement à une identité totalement assumée dans tous les domaines dans un avenir proche.

Tout d’abord, avec la reconnaissance du diagnostic, on s’aperçoit que « les chiens ne font pas des chats ». Parfois des parents à qui on pourrait reprocher un manque de perspicacité sur ce qui fait notre différence et ce qui a fondé nos difficultés d’intégration tout au long de notre vie, partagent dans une certaine mesure ces particularités en décalage avec la norme. Ce qui les rend de fait d’autant plus inaptes à repérer notre singularité. On peut également observer qu’un membre plus ou moins proche de notre famille : frère, cousin, tante ou nièce semblent être aussi fortement concernés alors qu’ils ont plus ou moins réussi à s’intégrer dans le cursus d’une normalité apparente et qu’ils s’en sortent à leur façon bien particulière.

Se pose alors une question cruciale :

Quelle raison suffisante peut nous amener à dévoiler cette différence en lui attribuant un nom spécifique qui risquerait de renverser au sein même d’une famille un équilibre peut être pas tout à fait idéal ni très stable, mais néanmoins relativement satisfaisant dans le système d’interaction familiale ?

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La question du TSA et de l’anonymat : les raisons d’assumer son choix

Quelles seraient les réactions que l’on risque de provoquer : déni, colère des parents de n’avoir rien su percevoir par peur de se remettre en cause ? Négationnisme des proches par rapport à nos difficultés qui serviraient d’excuses selon eux à un manque de volonté de se conformer aux attentes sociales, ou qui pourrait s’expliquer sous le seul prisme de notre tempérament trop anxieux ?

Quels seraient les effets sur notre entourage ? Rupture d’un équilibre, d’un semblant de normalité qui fonctionne néanmoins davantage que la brusque remise en question de son fonctionnement ? Confrontation brutale avec ce qui, par là-même, nous fait comprendre nos limites et notre décalage ? Encore faut-il être particulièrement solide pour l’assumer alors que bien souvent la plupart des autres domaines affectif, professionnel et social déjà impactés par notre fonctionnement en décalage ne sont pas forcément des moyens de ressource et de soutien en soi. La quête de la reconnaissance diagnostique est un parcours vers soi-même qui doit relever d’un choix d’autant plus personnel qu’il nécessite de se sentir prêt à sonder et exposer ses failles les plus profondes, et à devoir y faire face aussi bien soi-même que, tôt ou tard, devant son entourage.

Pour l’instant, il m’est beaucoup moins difficile de parler de cette différence avec des gens que je ne connais pas, des professionnels, des amis ou des personnes plus ou moins concernés que d’oser imaginer en porter l’étiquette devant ma propre famille. Loin d’en avoir honte à l’extérieur, je sélectionne seulement le public et le moment approprié pour en parler, assumant désormais cette étiquette comme ma marque de fonctionnement spécifique.

La deuxième raison qui me retiens d’assumer à ce jour complètement ma différence est en lien avec l’orientation et la reprise d’études que j’ai entrepris afin de me former comme professionnel dans l’autisme et les TED. Le monde universitaire subissant encore un fort ancrage de l’approche et de l’influence psychanalytique dans certains cursus de psychologie et de formations de la santé, il est risqué d’afficher son positionnement à cet égard tant que l’on n’a pas intégré la sélection du Master. Quant à assumer ce qui est perçu comme un handicap cognitif, cela n’est pas vraiment encouragé. Pour avoir échanger avec des personnes concernées à ce sujet et engagés avant moi dans le même parcours avec le même investissement, il ressort l’impression générale qu’il est attendu que l’on soit deux fois plus efficace pour compenser et s’adapter, en particulier si l’on choisit de travailler spécifiquement dans le domaine qui nous concerne .

Le travail de sensibilisation reste crucial afin que chacun(e) de nous réussisse à affirmer son fonctionnement sur le spectre de l’autisme en toute liberté et sans crainte d’être victime de discrimination ou de préjugés. Et cela quel que soit le domaine relationnel ou social dans lequel nous nous impliquons. Aucune d’entre nous ne devrait avoir à continuer à porter ce masque d’une apparente normalité, recouvrant notre différence derrière l’anonymat. Cela ne fait que nous étouffer à long terme.

© Shoshin, pour le GRAAF, tous droits réservés.

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